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La Béringie

Contours de la Béringie
Découverte de défenses de mammouth sur la Peel River.
Reconstitution de mammouth et scimitar Cat (Beringia center)

Géographie :

La région que l'on a nommée Béringie tire sa dénomination du détroit de Béring qui se trouve sensiblement en son centre. Le nom de «Béringie» a été créé en 1937 par le botaniste suédois Eric Hulten. Après avoir observé une remarquable similitude entre les plantes des deux rives du détroit de Béring, il a avancé l’idée que la Sibérie et l’Alaska avaient un jour été reliées par une bande de terre. Aujourd'hui, la Béringie est à cheval entre trois pays la Russie, le Canada et les États-Unis. Elle s'étend depuis le fleuve Kolyma (Sibérie) et le Kamchatka et traverse l'Alaska (Etats Unis), le Yukon (Canada) pour se terminer au fleuve Mackenzie (Territoires du Nord-Ouest). Dans le passé, le niveau plus bas des océans, provoqué par la glaciation continentale, permettait une continuité des terres entre la Sibérie et l'Alaska.

La Béringie permet donc, pendant les périodes glaciaires, un échange de plantes et d'animaux entre les deux continents. A l'opposé, pendant les périodes inter-glaciaires, comme l'époque actuelle, elle permet des échanges inter-océaniques entre les océans Arctique et Pacifique. Les paysages y sont parmi les plus beaux et les plus variés du monde. Les climats sont également très variés, depuis les côtes glaciales de l'océan Arctique au côtes Pacifiques réchauffées par les courants océaniques.

Le climat de la Béringie

Au cours de la dernière période glaciaire, la Béringie n’a pas été recouverte de glace car le climat y était trop aride pour favoriser la formation des glaciers. Des champs de glace formaient les abords de la Béringie au Yukon et en Alaska. La pluie et la neige tombaient contre la cime des glaciers, laissant leurs flancs du côté opposé à l’océan, au sec. De nos jours, le même effet se produit dans les champs de glace de la chaîne du mont St-Élias et rend le climat du sud-ouest du Yukon extrêmement sec. 
Même là où il n’y avait pas de glacier, les hautes montagnes qui allaient du Yukon jusqu’au centre de l’Asie provoquaient ce même effet de protection contre la pluie. La forêt qui existe aujourd’hui n’aurait pu survivre dans des conditions aussi arides. L’herbe poussait en abondance, mais le sol était nu par endroit. La terre brune et chaude était réchauffée par les rayons du soleil, et la très mince couverture de neige en hiver permettait aux animaux de brouter toute l’année.
Une des conséquences est que les fossiles y sont très nombreux et en excellent état de conservation (Pollens, végétaux, os de vertébrés et d'invertébrés). Leur étude a permis la reconstitution des milieux écologiques de la Béringie.

L'occupation humaine :

Concernant l'occupation humaine, c'est très probablement par ce pont continental que l'homme a pénétré dans ce qui est aujourd'hui le continent Américain. Probablement à la poursuite du gibier que constituaient les grand mammifères, l'homme a probablement occupé cette région il y a 35000 ans, même si les preuves les plus anciennes de cette présence ne remontent qu'à 25000 ans en Alaska et au Yukon. Le peuplement de cette région, aux conditions climatiques très rudes, n'a été rendu possible que grâce à la maîtrise de techniques très évoluées : Vêtements en peau, abris efficaces, acquisition et conservation de la nourriture.

La faune :

Cette vaste étendue de terre battue par les vents abritait bon nombre de nos animaux modernes, en plus de ceux qui ont disparu. En voici quelques uns :

Le chat des cavernes (Homotherium serum). Le chat des cavernes était l’un des prédateurs les plus féroces de la Béringie. Vers la fin de l’âge glaciaire, ce félin carnivore de la taille d’un lion vivait dans presque toutes les régions du Canada et des États-Unis. Il s’attaquait aux gros herbivores à peau épaisse, dont les mammouths et les mastodontes. Ses longues incisives servaient à trancher la gorge de sa proie. Le chat des cavernes avait les pattes relativement plates, comparées à celles de ses descendants, comme le lion ou le guépard. Il est donc probable qu’il n’arrivait pas à courir aussi vite que les félins modernes et qu’il préférait s’attaquer à sa proie rapidement et par surprise. Le musée de la Béringie à Whitehorse a créé une reconstitution qui nous donne une idée de l’allure de ce félin. La reconstruction est une approximation fondée sur la couleur de la peau des lions et des couguars des temps modernes. Jusqu’à ce jour, personne n’a encore découvert de carcasse bien conservée de chat des cavernes, bien que de nombreux ossements nous soient parvenus.

Le mammouth laineux (Mammuthus primigenius). La steppe à mammouth, recouverte de graminées et de sauge où broutaient les géants, était le nom donné à la toundra froide et sèche qui existait à l’époque glaciaire. Les fossiles les plus récents de mammouths nord-américains ont environ 12 000 ans. Jusqu’à il y a environ 4 000 ans, des mammouths laineux de plus petite taille avaient survécu sur l’île Wrangel, en Sibérie. Le mammouth laineux était l’animal le plus commun de la Béringie à l’époque glaciaire. Il avait environ la taille de l’éléphant d’Asie d’aujourd’hui et pesait plus de trois tonnes. Dans les légendes autochtones, les mammouths sont les animaux de l’époque glaciaire qui occupent la plus grande place. Chaque Première nation du Yukon a sa légende racontant les attaques perpétrées par les mammouths et des histoires de trappe et de chasse aux mammouths.

L’ours à face courte (Arctodus simus). Le plus gros des prédateurs de l’époque glaciaire, l’ours à face courte mesurait 1,5 mètre aux épaules en position verticale. Un gros mâle pouvait peser environ 700 kilogrammes, soit un peu plus qu’un gros ours polaire. Ces animaux féroces étaient presque exclusivement carnivores. Des études récentes indiquent qu’ils étaient probablement des charognards plutôt que des chasseurs. L’ours à face courte géant vivait en Alaska et au Yukon il y a 44 000 à 20 000 ans, au cours de la période de réchauffement qui a précédé la dernière avancée de la nappe glaciaire. L’ours à face courte n’est pas le précurseur des ours qui vivent aujourd’hui en Amérique du Nord. Son descendant le plus proche serait plutôt l’ours à lunettes d’Amérique du Sud. Vers la fin de l’époque glaciaire, l’ours à face courte était réparti dans presque toute l’Amérique du Nord, à l’exception du sud-est des États-Unis. L’ours à face courte géant a disparu il y a environ 10 000 ans.

Le paresseux marcheur dit «de Jefferson» (Megalonyx jeffersoni). C'était l’un des plus étranges animaux de la Béringie. Il avait environ la taille d’un bœuf, mesurait 2,5 à 3 mètres de long et pesait plus d’une tonne. Le paresseux géant était un herbivore aux longues dents aplaties et striées. Ses griffes du devant, recourbées, lui permettaient de s’accrocher aux hautes branches feuillues des arbres. Ce spécimen qui fait partie des nombreuses espèces de paresseux qui habitaient les Amériques, a été nommé en l’honneur du président américain Thomas Jefferson, qui fut l’un des premiers paléontologues d’Amérique du Nord. Le paresseux marcheur géant venait d’Amérique du Sud et est arrivé en Amérique du Nord il y a environ 5 millions d’années. Les fossiles du Yukon et de l’Alaska  remontent à entre 150 000 et 130 000 ans, apparemment d’une époque antérieure à la glaciation du Wisconsin. À cette époque, la plus grande partie de la Béringie était recouverte de forêts, contrairement à la steppe représentée dans la plupart des tableaux. Au Yukon, des fossiles de paresseux géants ont été découverts à Old Crow, mais aucun aux alentours de Dawson. Plus au sud, le paresseux marcheur a vécu jusqu’à environ 9 400 années avant aujourd’hui.

Le cheval sauvage du Yukon (Equus lambei). Les chercheurs d’or Lee Olynyk et Ron Toews ont découvert, en septembre 1993, la carcasse partielle d’un cheval sauvage du Yukon au ruisseau Last Chance près de Dawson. Il s’agit de la carcasse la mieux conservée jamais découverte au Canada de l’un des plus gros animaux de l’âge glaciaire. La plus grande partie de la patte avant droite, recouverte de chair desséchée, de peau et de poils sur sa partie inférieure, et une grande partie de la peau et de la crinière tirant sur le blond étaient intacts. Les examens réalisés à ce jour indiquent qu’il s’agissait d’un spécimen adulte de grande taille pour l’espèce et que son pelage était d’un brun noir près des sabots et passait au marron puis au blond vers la crinière. La peau a été confiée à l’Institut canadien de conservation d’Ottawa qui s’occupe de la stabiliser. De récentes analyses des os au radiocarbone indiquent que le cheval est mort il y a environ 26 000 ans au cours d’une période relativement chaude avant que la dernière glaciation n’atteigne son point culminant. L’ADN qui a été prélevé de la carcasse démontre que le cheval sauvage du Yukon est un proche parent du cheval moderne. De grands troupeaux de chevaux sauvages parcouraient les prairies de l’Amérique du Nord, semblables à la steppe, durant la dernière moitié de la période glaciaire. Les espèces se sont éteintes il y a 10 000 ans environ. La découverte de la carcasse de cheval sauvage a largement contribué à nous faire connaître cette espèce et à assembler une autre pièce du casse-tête de la Béringie.

Bibliographie : Beringia Center de Whitehorse.